marmonnant entre ses dents : « Elle marche drôlement vite pour une petite vieille… ».

L’Aïeule fait mine de ne rien entendre (ou, de fait, n’entend rien), elle ne se retourne pas vers sa cadette couverte de boue de la tête aux pieds, elle marche d’un pas véloce. L’autre se plaint et ne cesse de piailler . Elle dit :

« Tout ça pour traverser un champ de betteraves. Moi qui me préparais pour une petite randonnée tranquille… Pourquoi cette randonnée ? Pourquoi cette missive ? Pourquoi mes compagnons ont-ils disparus en cours de route (hormis vous deux, bien sûr, pas la peine de bouder…) ?

Qu’est-ce que je fous là ? »

Ainsi enchaine-t-elle les questions sans réponse et l’Aïeule la guide à travers les feuilles de betteraves géantes, comme elle la guide ensuite à travers le champ de blé. En arrivant sous le jeune chêne aux deux balançoires, Cordes-vertes et Cordes jaunes, la princesse aux pieds nus n’a plus de salive, elle se laisse tomber sur le sol comme un vieux sac à patates en bredouillant une excuse. L’Aïeule lui fait un clin d’œil et s’assoit, puis, farfouillant dans le sac de la plus jeune, en sort la dernière bouteille de vin rouge, un bon cru chilien.

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