Je vous épargne volontiers cette peine ; en revanche, puisque votre irruption inattendue a complètement détourné cet incipit de son objectif - à savoir : offrir à mon amie Karine un chant d’éloges à son nom en échange duquel elle a promis de coudre à mon intention une jolie petite robe noire - , je m’estime en droit de vous mandater auprès de la dite Karine pour lui porter, à ma place, le chant d’éloges.
Autant vous le dire tout net : ce serait manquer de fair-play que de me refuser cela : vous avez saboté mon incipit, involontairement peut-être, mais quand même, vous n’allez pas en plus ruiner toutes mes chances de redonner un peu d’éclat à une garde-robe qui ne contient, pour l’heure, que pantalons troués et robes portées cent fois ! D’autant que vous n’aurez pas à courir à l’autre bout du monde, ce n’est pas si loin la Corrèze : Karine et Fabrice habitent le minuscule et très charmant village de St Hilaire-Luc, ils y tiennent l’Auberge de la Marguerite, le meilleur restaurant de toute la région ; votre mission vous permettra de joindre l’utile à l’agréable : débrouillez-vous pour rallier l’Auberge de la Marguerite (ressortez vos godillots pour l’occasion s’il le faut), commandez le plat du jour et, juste avant de partir, récitez, de ma part, un chant d’éloges à la patronne (dites-lui qu’elle a la beauté italienne, complimentez la pour son intelligence, qu’elle a très vive, vantez son ouverture d’esprit, son humour, ses dons pour la cuisine, la couture et la poterie, goûtez le charme de son rire, etc… Improvisez seulement dans les limites du raisonnable, n’allez pas, par exemple, la complimentez pour l’extrême douceur de son caractère, votre crédibilité en prendrait un coup) ; ajoutez pour finir que votre chant d’éloges, s’il est à son goût, remplace celui que son témoin de mariage (moi) n’a pu (à cause de vous) lui offrir comme prévu en incipit de la seconde partie d’un cahier destiné à son vieil ami « chinois » -- pas sûr qu’elle comprenne mais qu’importe :