Va savoir comment, nous avons atterri au milieu de nulle part, dans une sorte de Hongrie fantasmagorique sur le web : ce sont, à perte de vue, d’immenses étendues de champs de betteraves fraichement labourés. Le mur avec sa porte dessinée à la craie, trois traits et un rond en guise de poignée, y est planté, absurde. Minuscule silhouette recroquevillée au pied du mur, l’internaute égaré se dorlote le gros orteil. La route risque d’être longue jusqu’au Benghale...
Pour avoir une chance de te croiser aux confins de cette terre fictive, distorgraphiée comme le tigre qui la hante, très loin à l’est de la Bretagne, à des lieues pourtant de ta mégalopole asiatique, il faudrait que tu marches toi aussi vers cet étrange pays à la consonne surnuméraire, car je doute que ma grenouille puisse étirer au-delà du Benghale les frontières élastiques de la forêt que tu sais.
La route risque non seulement d’être longue mais aussi semée d’embuches bizarres, techniques, si bien que l’excitation le dispute à l’agacement : Martine, à qui je demandais son avis concernant l’organisation de la page (format portrait ou paysage ?), m’a gentiment répondu : « Tu penses papier […], ça marche pas comme ca sur le web »… Cet opus électronique va me donner du fil à retordre, sans compter que Domec risque de se sentir floué dans l’affaire : moi qui n’ai jamais posté de commentaire sur son blog au prétexte que « ça me tétanise, moi, d’écrire des trucs débiles si n’importe qui peut les lire », je brode sur un coin de la toile une ribambelle de mots tordus que, de fait, n’importe qui peut lire…
Augustin, quant à lui, semble trainer des pieds, peut-être que ce paysage agricole, tiré d’une vieille bobine, ne lui dit rien qui vaille…
Pour ne rien arranger, l’internaute égaré fait grise mine, marmonnant entre ses dents « on me traite d’idiot, de spectre, de n’importe qui, j’en ai marre ; en plus, j’ai mal aux pieds !