Mon Dieu ! Augustin, cours vite te mettre à l’abri ici !

Quelle férocité que celle de ce tigre ! Je m’attendais à un tigre comme l’imaginait mon frère, un genre de gros chat qui ne fait rien de toute la journée que bailler et rugir et rugir et bailler, étendu au soleil sur une large pierre tandis que la femelle chasse. Qu’est-ce qui lui prend à ce tigre de sauter à la gorge de cette oie-là ! Il l’a toute dévorée, n’en reste qu’une grande plume… si c’est pas malheureux… Moi qui rêvais « de plonger les doigts dans la fourrure douce et sauvage du tigre du Benghale »…


Nous avons vu le tigre, ramassé la plume… Serions-nous déjà arrivés aux portes du Benghale ?

Il me semble tout de même douteux que nous ayons traversé, sans y prendre garde, une frontière invisible… Crois-tu que nous ayons pu nous égarer, mémère ? La chose me parait improbable : nous avons droit vers l’est comme indiqué par la boussole, comment aurions-nous fait fausse route ?...

Qu’en penses-tu, mémère ?

Martine ?...

Domec ?

… Mais où diable sont-ils passés ? Même le regard de l’internaute égaré par-dessus mon épaule semble s’être dissout, ne plus rien peser…

Qu’Augustin ne soit plus dans les parages, rien de plus naturel, je l’ai moi-même voulu cacher, mais qu’est-il advenu des autres ?

Est-ce à dire que, lassés de mes bavardages, ils ont pris la clef des champs ? Ou, pire encore, que, croyant m’adresser à eux, en réalité, depuis tout ce temps, je soliloque ?


Qu’est-ce que je fous là ?

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