seconde, que je me désenglue… oh et puis merde ! J’arrive, attendez-moi !
[Alain, toi dont je suis certaine que tu suis cette lamentable histoire avec attention, tu auras noté que la pluie, entre ces lignes, a beau être qualifiée de « diluvienne », elle manque singulièrement de mouillé. Il ne suffit pas de dire « il pleut » pour qu’il pleuve, certes – que ne sais-je faire pleuvoir comme Graciano !
J’imagine qu’en ton for intérieur (en cette période douloureuse, je dois me contenter de suppositions et, quand tu perceras enfin ta gangue de solitude et de silence (le plus tôt sera le mieux !), d’autres micro-événements aussi essentiels ou futiles que celui-ci mais plus récents, mériteront à mes yeux ton attention ; il y a donc fort à parier que je me contente durablement de supposer qu’en ton for intérieur…) tu penses que, dans cette missive, la qualité de la pluie laisse à désirer, disons que c’est une averse de pacotille, une sorte de douche abstraite, on n’y croit pas, on ne la sent pas, etc. N’empêche :
cette pluie aura bel et bien coûté à l’épistolière ses deux godillots !
La malheureuse n’a pas eu d’autre choix que d’abandonner ses chaussures sur place, pied droit et pied gauche, à croire que, sous les trombes d’eau, la terre devenue glaise s’est prise à rêver de ce corps relativement jeune et charnu qu’elle tient par les chevilles et dont elle pourrait se nourrir, qui sait, plutôt que d’avoir à donner encore et toujours des betteraves… A défaut de pouvoir se repaitre tout de suite de ce corps trop vigoureux encore, qui déjà s’éloigne en courant, la terre, en guise d’acompte ou de lot de consolation, garde les godillots et ses lacets maladroitement dénoués.