comment, il atterrit sur les fesses et resta là, hébété ; dans la confusion, la veuve noire se retrouva par terre et Holmberg à genoux, tentant de la faire revenir dans sa boite, en vain : la veuve se carapatait à une vitesse prodigieuse vers le jeune maitre qui, voyant le monstre grossir à vue d’œil, se figea d’horreur.
Le sabot de la douce Lucia s’abattit d’un coup sur la bête.
Un ange passa…
« -- Avez-vous perdu la raison, Lucia ? Ratatiner ainsi un spécimen si magnifique ! » Holmberg en bégayait d’indignation.
« -- Je suggère à Monsieur d’emporter sa tarentule au vivarium, on ne peut plus rien pour la veuve de toute façon. Et revenez les mains vides. »
Holmberg obtempéra, sans un mot. Il s’en fut dignement.
Le soir au salon, complètement remis de sa frayeur matinale, le jeune maitre fanfaronnait :
« -- Et moi, je maintiens au contraire qu’un homme peut tout à fait, par la force de sa volonté et pour l’amour de la science, se libérer de ses phobies les plus fortes ! J’insiste, Holmberg, j’insiste, entendez-moi bien, pour que, dans nos vieux jours, vous me donniez l’occasion de vous en apporter la preuve : promettez moi de m’envoyer une veuve noire dans sa boite et vous verrez que j’ai raison ! Lucia m’en sera témoin !
Holmberg regarda son ami, pensif :
« -- Vous jouez avec le feu, Bernard Goorden ! »
Et c’est ainsi que, des années pus tard, Holmberg envoya par la poste à son vieil ami une veuve noire : non par sadisme comme ont pu, à tort, le prétendre les mauvaises langues, mais pour tenir sa promesse.