Je dois avouer que je ne sais trop comment m’y prendre avec toi, Augustin… J’ai tendance à te croire peu enclin à la marche à pieds et indifférent aux bavardages de ton ancêtre, mais qu’en sais-je ? Qu’est-ce qui peut bien intéresser un ado du 23eme siècle ?

Une chose est sure : quand ta mère te dit que « ce cahier est écrit pour toi », il faut la croire. Elle n’est pas mère parfaite sans doute et cet affreux prénom de Drucilla dont ses parents l’ont affublée (ses propres géniteurs, rends toi compte !), aurait tendance à discréditer le moindre de ses propos, mais reconnais au moins qu’elle a toujours su choisir des histoires qui te plaisaient. Souviens-toi, quand tu étais petit, tu adorais celle du Gros dragon.


[A ton avis, mémère, est-ce moi qui ne sais pas m’y prendre avec les adolescents ou est-ce celui-ci qui se montre particulièrement retors ? Je ne parviens pas à deviner s’il m’écoute ou non…]


Il faut lui dire, pourtant, à Augustin, que si « ce cahier est écrit pour [lui] » comme ne cesse de le lui répéter sa mère, il n’en est pas l’otage : tout un tas de portes de sortie ont été ménagées à son intention, tu peux te faire la belle quand tu veux, Grand, par ici ou par là, par là ou par là encore, ce cahier est un vrai gruyère, nul ne saurait s’y sentir prisonnier, et si ta mère insiste encore, réponds lui que c’est écrit là, « nul ne saurait s’y sentir prisonnier », il n’y a pas de raison valable de le lire si on n’en éprouve pas l’envie tenace, c’est tout l’esprit du truc. Si tu as mieux à faire, n’écoute personne et fais mieux.


Si, en revanche, tu comprends le vieux français du début du XXIè siècle et aime les histoires sans queue ni tête, tu es ici chez toi. Ta mère a raison, tu sais, ce cahier est écrit pour toi,

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